Aller au contenu principal

« En tant qu’artistes, nous sommes des porte-voix » : la chanteuse ivoirienne Jahelle Bonee apporte son soutien durant le Covid-19

Côte d'Ivoire
Histoire
Jahelle

Grâce à une voix puissante alliée aux rythmes des djembés et des ahocos, qui rappellent la longue histoire musicale de la Côte d’Ivoire, Bonee a créé un style musical urbain, mélangeant hip-hop, soul et jazz, tout en conservant un côté traditionnel. Son premier album, « Béflèhmi », « Mon nom est » en Baoulé, est d’ailleurs un hommage à l’Afrique de l’Ouest et à la culture ivoirienne.

Bonee s’est engagée dans la lutte contre le virus et a écrit une chanson appelant à la prudence et au respect des consignes de prévention, qui, elle espère, aidera les gens à retenir et à partager les gestes corrects à adopter.

Inspirée par cette chanson, Miss Cissé, une volontaire du programme Migrants as Messengers, a interviewé la chanteuse pour en savoir davantage sur ce qui l’a motivée à apporter son soutien durant cette pandémie.

Vous avez une chanson contre le Covid-19 que j’aime beaucoup. Qu’est-ce qui vous a inspirée à écrire cette chanson ?
Depuis le début de la crise, j’ai plus ou moins observé et analysé la situation et je me suis dit qu’il fallait que j’agisse. J’ai voulu, par le biais de cette chanson, éveiller les consciences et faire comprendre aux gens que chaque action que nous menons à une conséquence directe sur la communauté.

Vous commencez votre chanson par « on a l’impression que nos actions n’ont pas d’impact sur les autres ». Qu’est-ce que vous vouliez dire par là ?
C’était une manière pour moi d’éveiller les consciences et faire comprendre au chauffeur de taxi, à la vendeuse ou à la coiffeuse par exemple, que chaque action qu’ils mèneront au cours de la journée aura un effet sur la vie des autres, car nous formons une cordée.

Migrants as Messengers est un projet initié par l’OIM afin de travailler avec les migrants de retour, c’est-à-dire les personnes qui ont déjà tenté l’aventure, pour que ces derniers puissent sensibiliser leur entourage contre la migration irrégulière. Pourquoi avoir choisi de prêter votre voix à ce programme ?
C’est une cause très importante pour l’humanité et pour moi. En tant que citoyenne du monde, c’était très important pour moi de prêter ma voix à cette cause.

Quelle a été la réaction du public à votre chanson ?
J’ai eu pas mal de retour de personnes qui étaient contentes que j’associe ma voix dans la lutte contre cette pandémie.

En dehors de la musique, avez-vous mené d’autres activités de sensibilisation contre le Covid-19 ?
J’ai utilisé les réseaux sociaux pour sensibiliser la population sur les gestes barrières à respecter contre la transmission de la maladie.

Quel rôle doivent jouer les artistes dans la lutte contre cette pandémie ?
Les artistes ont un devoir de se lancer dans cette lutte contre le Covid-19, même si ce n’est pas une obligation. Nous sommes des griots du temps moderne, et à ce titre, nous avons le devoir de faire passer le message auprès des populations.

Plusieurs artistes se sont engagés dans cette cause. Qu’espérez-vous apporter de plus ?
Nous formons une cordée, et chaque action que nous menons aura un effet boule de neige. Je ne voulais pas rester en marge, parce que je pense qu’en tant qu’artiste nous sommes des porte-voix. Il était donc important pour moi d’allier ma voix à celle de tous les autres qui ont déjà pris des initiatives, à leur manière, pour faire passer le message.

Comment la pandémie a-t-elle affecté votre vie d’artiste ?
En tant qu’artiste, c’était vraiment dur pour moi au début, parce que la musique, c’est mon métier, mon ADN. Et se retrouver du jour au lendemain avec l’arrêt total de toutes les activités musicales (showcase, concert, studio) n’était vraiment évident pour moi.

Comment avez-vous vécu la période de confinement ?
Je suis passée par trois phases : la première était la phase solidaire, où l’on se disait qu’il fallait rester uni et que cette crise allait rapidement passer. Mais avec le temps, je suis entrée dans une deuxième phase où j’étais beaucoup moins positive, et j’ai commencé à remettre en question ma carrière musicale. Enfin, la dernière phase, qui est celle dans laquelle je suis actuellement, où j’ai pu profiter du confinement pour faire de nouvelles activités, comme par exemple la création du CODI-jazz avec d’autres artistes, mais aussi finaliser quelques projets, comme mon deuxième album.

Le confinement a-t-il eu un impact sur votre créativité et vos collaborations avec d’autres artistes ?
Sur ma créativité, non, car je suis le genre de personne à tout le temps créer. Par contre, concernant les collaborations physiques, on a dû mettre beaucoup de projets en stand-by. Mais ça a donné naissance à des collaborations d’un nouveau genre. Il a fallu la crise pour que je fasse des featurings avec des artistes qui n’étaient pas sur le territoire ivoirien. A titre d’exemple, je suis actuellement en collaboration avec un artiste ivoirien qui réside en France, et un autre artiste local dont je tairai le nom pour le moment.

Sur le plan personnel, comment le virus vous a-t-il affecté, vous et votre famille ?
Cette crise m’a permis de me rapprocher encore plus de ma famille et de passer beaucoup plus de temps avec eux.

Le confinement n’a donc pas eu que des conséquences négatives pour vous ?
Oui, exactement.

Avez-vous un secret à partager avec nous pour ne pas baisser les bras ?
Je ne devais pas baisser les bras parce que je me disais qu’il fallait rester positive, et être solidaire avec toutes ces personnes qui se battent, tous les jours, contre la propagation de cette maladie. J’ai une forte pensée d’ailleurs pour tous les malades, les infirmiers/es, médecins ainsi que l’ensemble du personnel hospitalier, qui se sont mobilisés et continuent de le faire, dans la lutte contre la pandémie.

La Côte d’Ivoire regorge d’artistes talentueux engagés socialement. Y en a-t-il que vous admirez particulièrement ?
Je suis assez admirative de ces artistes qui mènent des actions dans la communauté, sans grands moyens. Je pense notamment à Paule-Marie Assandre, que j’admire beaucoup et qui est très engagée aux côtés des femmes. Je pense également à A’salfo du groupe Magic System, dont j’ai réadapté une chanson dans l’un de mes albums.

Vous nous avez parlé de vos projets durant le confinement, mais en avez-vous également une fois que la crise sera passée ?
Nous avons pour projet en 2020-2021 la sortie de mon second album, ainsi que quelques spectacles et voyages.

Regardez la chanson de Jahelle Bonee qui a inspiré cette interview ci-dessus :